09 juin 2011

La tendresse de l'escalope viennoise

Préposé aux photocopieuses. Ce n'était pas rien. Surtout chez S. Il avait juste les extrémités de son pantalon qui tanguaient sur ses chevilles, laissant le blanc de ses chaussures de sport éclater sur la moquette turquoise.Qu'il était souple ainsi chaussé, J.-R. Presque monté sur ressorts, glissant d'une machine à l'autre. Fourrant ses mains fines dans sa banane ventrale pour choisir le petit pinceau, la minuscule clé, la pipette adéquate qui lui permettait de relancer la coulée vomitive de papier. Opérant à genoux, les bras plongés dans la machine constipée, il travaillait au niveau des tailleurs des secrétaires, au milieu d'une forêt de jambes entre lesquelles d'autres techniciens, ailleurs, au gré d'horaires différents, s'affairaient. Lui aussi, pourtant, connaissait les éclats de leur satisfaction et les sifflements de leur extase lorsqu'il parvenait à dégrafer, au fond de la bête d'encres et de rouleaux, les pincettes contre lesquelles était venu se rider un amas de feuilles. Libérant ainsi le flux de papier. Se redressant parmi les sourires tranquillisés, J.-R. connaissait alors le vertige des jambes cotonneuses qui ont subi l'effort. Il rejoignait ensuite les dépendances techniques pour en ressortir pris dans une grappe de collègues. Tous partaient de restaurer. C'est lors de mi-journées similaires, que J.-R. adorait soulever la panure de son escalope viennoise avec la pointe de son couteau inoxydable. C'était aussi une satisfaction.