31 août 2011

Immobile

Se souvenir d'elle
Et laisser l'avantage du dialogue aux cormorans

30 août 2011

Le mangeur et le tartineur

- Qu'est-ce qui vous prend, avec cette histoire de démon de midi?
Demande le mangeur de biscottes.

- C'est en somme rouler les fenêtres ouvertes et réveiller David Guetta au fond des Volkswagen Golf GTI.
Répond le tartineur de biscottes.

18 août 2011

Le quignon

Il s'affaissa et fit tout grincer

Tandis qu'elle se courbait sur ses mains obèses
Tandis qu'elle agrippait ses bagues opulentes
Tandis qu'elle les faisait glisser
Tandis qu'elle pressait ses doigts boudinés
Tandis qu'elle talquait la moiteur

Ainsi, ses mains dansaient seules

Il observa par inadvertance deux choucas
Ils se disputaient sur le toit d'une pharmacie
Leur vie dépendait d'un quignon

Alors il estima qu'il était temps de se lancer dans l'import-export
Avec dévotion

L'Europe s'amuse

La pointe des mélèzes qui noircit
La vallée qui s'assombrit
L'humanité qui s'apprête à la nuit

Tandis qu'une masse mafieuse à la présence caucasienne
Se laisse aller à quelques flatulences
Dans des thermes haut perchées

Avant de s'accomplir dans un lit
De grappe en grappe
De blondes en blondes
Caressé par leurs râles d'ilang-ilang

06 août 2011

Vintage

Les blondes sortent de leurs voitures de sport restaurées avec leurs lunettes sombres au bout des doigts.

Elles s'élancent l'une vers l'autre, désarticulées dans leur joie. Elles ne se touchent presque pas lorsqu'elles s'étreignent, tout au plus un contact ample, deux fourmis nerveuses face à un morceau de sucre qu'il faudra emporter.

Et puis elles s'égaient, comme on dit des moineaux. Et aux alentours, les cuillères recommencent à tourner dans les tasses.

Vers la dignité des rictus

Au bout des chaudes soirées du mois d'août, les sexagénaires s'affairaient dans leurs berlines sombres. Les plafonniers des habitacles éclairaient des gestes imprécis vers les prises femelles des ceintures de sécurité.

Au bout des chaudes soirées du mois d'août, les mocassins des sexagénaires s'affaissaient sous l'acidité de la transpiration de leurs pieds nus. Il faudra probablement en changer l'an prochain.

Au bout des chaudes soirées du mois d'août, la vie venait à s'épuiser au fond des boîtes à gants. Les mains fouilleraient bientôt dans le vide.

Au bout des chaudes soirées du mois d'août surgissaient en fin de compte les rictus ancestraux qui précèderaient le silence total.

Leurs rires cherchaient en réalité les prémisses de la dignité.

03 août 2011

Cette chose avec la femme qu'on aime III

Ouvrir un bouton supplémentaire de sa chemise
Utiliser l'impératif
Survoler le trafic

Réapprendre à courir
Ecouter ses mains qui parlent des cheveux d'elle
Prêter attention à ses mains qui se souviennent
Demander son chemin à ses mains
Nom de Dieu, prendre ses mains au sérieux

Et lui dire
Au milieu des véhicules surexcités
Au milieu du monde qui veut la reprendre
Reviens, mon Amour

Cette chose avec la femme qu'on aime II

S'asseoir sur ce banc de métal qui surplombe le carrefour anglais, à côté du parc privé de la supérette.

Et maintenant, attendre. Sans rendez-vous. Croire durant de longues heures qu'elle va apparaître. A pied, en voiture, à vélo, n'importe comment, pourvu que son parfum la précède.

Attendre démesurément, comme un cinglé. Et prendre précisément conscience que personne, jamais, ne viendra, que son halètement se perdra dans le bal des camionnettes de livraison et les manoeuvres des convois spéciaux.

Cette chose avec la femme qu'on aime I

Il y avait eu ce regard qui nous avait fait oublier qu'on ne tenait qu'à un fil, qu'il suffisait d'un jour de brouillard pour que nous ne perdions à jamais la vue.

Ce regard nous avait amenés dans des villes, que nous avions soumises à nos moindres caprices. Nous traversions des rues qui n'attendaient évidemment que nous, qui se fardaient de couleurs hallucinantes presque impossibles.

Nos corps avaient élus domicile l'un dans l'autre. Nous nous regardions dans la nuit noire parce qu'il faisait grand jour. Nous commencions ensemble notre passé.

Bordel de merde, nous étions au bénéfice d'un armement indiscutable et on déclenchait des feux d'artifice chaque soir au sommet de notre forteresse.

En face

C'était depuis là. Depuis la pénombre des cafés des sports, tout au bout des zincs, là où les clignements des yeux sont ralentis. Depuis les frêles terrasses de plastique, sous les parasols pouilleux et bon marché des bars des postes, là où les vacances n'arrivent que par cartes, par procurations.

Depuis là, on regardait en face. Les nouvelles vieilles brasseries. Le cortège des blondes, la cour des gominés, le royaume des eaux minérales. Surtout, l'engouement pour les tartares, les caprices autour des carpaccios, les soupirs d'extase face aux tomates-mozzarella. Ce rouge coupé au couteau descendre dans ces gorges dorées, ces lèvres suçoter ces lamelles, ces langues lécher ces huiles d'olive. 


Généralement, au début de l'après-midi, un animateur, à la radio, décidait de passer quelque chose comme "Exodus", chanté par Edith Piaf. Et l'envie d'aligner les pastis se faisait plus pressante. On se doutait vaguement qu'un jour ou l'autre, celles et ceux d'en face viendraient annexer ces territoires. On tâchait de bouger précautionneusement, de "rester tranquille". On écoutait nos cigarettes se consumer et on n'était pas sûr du moment exact où tout ce décorum avait commencé à s'effriter.