30 août 2012

Houle

Les rinçures
Lacèrent le bitume de la capitale
Les cuisines traditionnelles
Descendent les oesophages en rappel
Il s'agit d'un monde
A l'abri de la houle
Qui ne vomit pas

Plein les doigts

Nous étions plantés
Dans l'humanité
Comme un bâton
Dans une glace à l'eau
Progressivement
Les humeurs s'échauffaient
Les arômes coulaient sur la tige
Nous en aurons bientôt
Plein les doigts
Et il ne servira à rien
De secouer nos mains

Pénombre

Si seulement
La lumière pouvait
Baisser
Comme tu le fais
Avec ta culotte
Des précautions
Des regards
Des égards
Un sens du public
Une envie
De récit
Et de chapitrer la nuit

Hallali

Le vieux chasseur
Sur son lit de mort
Parmi les fèces et les moisissures
S'enivrait une dernière fois
De fourrures humides
Il écartait les narines
Il regrettait
De ne pas avoir été pêcheur
Pour comprendre les poissons
Et leurs branchies
Qui réussissaient à filtrer
Les saloperies du monde

28 août 2012

Mousse

Et maintenant
Enfonce-toi
Dans les bois
Comme une cuillère
Dans une mousse aux fraises

Peut-être qu'au fond
Tu y trouveras encore
Des jus
Des précipitations
Des reliquats
Des grumeaux
Des traces brutes d'une existence antérieure

Persiennes

Sa vie
Est un bloc déployé
De persiennes électriques
A capteurs automatiques

Le soleil se couche

Des moineaux
Ont élu domicile
A l'abri des parois métalliques

De part et d'autre
L'angoisse progresse

Dragueurs

Ils formaient un groupe
Soudés
D'une connivence musquée

Ils mettaient le feu à leurs mots
Leurs déclarations enflammées
Battaient les campagnes
Elles opéraient au couteau
Elles foutaient le feu aux âmes
Quand ça ne prenait pas tout de suite
Ils rajoutaient du gazole
Dans cette odeur de cramé
Tout y passait

Ils les regardaient dans le blanc des yeux
C'était du corps à corps

Les autres, ils séduisaient
Eux, c'était des dragueurs

24 août 2012

La nuit et l'aube

Parce qu'on venait
Trop régulièrement
Pisser contre ses portes
De bois et de peinture vernie

Parce qu'on s'y tripotait
Avec ostentation
A l'abri de la voûte cochère

Parce qu'on y rendait en compote
Ce dont elle nous avait gavés

La nuit a fait remplacer ses portes
La nuit a fait installer
Des blindages
Un digicode
Une caméra thermique
Un mécanisme électrique

Maintenant ça s'ouvre
Précisément et sans bruit
Sur une berline
Qui conduit à sa besogne
L'aube
Encore assoupie d'avoir été tant possédée

21 août 2012

Avant les larmes

Il se noie dans tes yeux
Avec son gabarit de comprimé effervescent
Et toi
Tu bois ses paroles
Et toi
Tu finiras par les pleurer

Dentellière

Il arrive un jour où
La dentellière de tes songes
Préfère la tronçonneuse
A la navette de frivolité et au fil de soie
Pour tisser tes nuits

20 août 2012

Apéritif

L'ivresse s'est enfermée
Dans la salle de bains
Elle se maquille

La désinvolture patiente
Elle éclate quelques pistaches
Elle balance les coquilles vides
A la gueule de l'excitation

La soirée change
Son fusil d'épaule
Il faudra enfoncer la porte

Tôles

Dans un carrefour
On a froissé l'avant de nos vies

Tu arrivais fenêtres ouvertes
Le vent
Armé de ton foulard
T'a balancé une rouste
Et ça fait longtemps
Que je n'accorde plus la priorité

Alors on a esquinté l'avant de nos vies

Sur le bord de la route
On s'interroge
On tripote nos boîtes à gants

On a deux options
Le carrossier et les flics
Ou
On finit de se débarrasser
De nos pare-chocs
Qui pendouillent

Il nous manque à chacun
Un phare
A deux
On pourrait fouiller l'obscurité
Et courser nos peurs
Qui détalent comme de petits mammifères

Bon
Alors
Qui prend le volant

18 août 2012

Viaduc

Qu'il est bon
D'écouter le monde jaunir
Sur son autoradio
Et de filer
A l'ombre des montagnes
Sur une voie rapide surélevée

Au bas du viaduc
Un adepte de ski nautique
Fend ce qui reste de l'aube
Parmi les déchets de la nuit

17 août 2012

Promenade

Il se levait tôt
Il sortait
Sa pute, son maquereau et son dealer
Il allait les faire pisser
Il les regardait
Se frotter à la ville
Il les observait
Se mordiller
Les peaux et les oreilles

Il aimait
Les tenir court
Sa pute, son maquereau et son dealer
Il fallait donner parfois
Près des parcs
Des petits coups secs sur le cuir
Il réagissait avant de se faire déborder
Il voyait leurs narines se dilater
Alors il savait

Des matins
Il croisait des gamins
Sur le chemin de l'école
Il devait redoubler de prudence
Expliquer patiemment
Oui on peut les caresser
Sa pute, son maquereau et son dealer
Mais pas de gestes brusques
Et un seul à la fois
Il tirait sur les laisses à ce moment-là
Un accident est si vite arrivé
L'inattention
C'est la nourriture
De sa pute
De son maquereau
De son dealer

Lorsque le soleil
Commençait à couler
Dans les rues
Il rentrait
C'était l'heure
Des gamelles

Les jours d'orage
Il avait de la peine à les tenir
Il choisissait alors
De les nourrir
A la main
C'était des instants complices
Avec sa pute, son maquereau et son dealer
Avant la pluie
Avant le rinçage de la ville
Avant le toilettage des consciences

16 août 2012

Trottoirs

Il faudrait doter les mycoses
De petits rires maladroits
Ceux des vieux garçons à liquettes
Ainsi les trottoirs de nos mondes
Dans des convulsions mocassines
Couineraient
Sous les chatouillements de nos semelles
Ainsi la joie aurait son rouge à lèvres

Guichet

Au guichet de notre avenir
Le bouton
De la gestion informatisée de file d'attente
Est collé par une tache de soda
Impossible de passer au client suivant

Les magazines sur les tables basses
Contribuent au maintien
D'un présent climatisé

Des êtres
Aux dents blanches
Aux gencives saillantes et roses
Penchent leur buste
Les uns vers les autres

Il y a une atmosphère
De confidences
Il y a un goût prononcé
Pour frissonner
Pour prendre les postures du passé
Et rire
Et patienter

14 août 2012

Ressources humaines

Nos baisers
Nous ont adressé
Leur démission
Ils travaillent désormais
A d'autres destinées
Nos ressources humaines
S'amenuisent

Poursuite

J'ai poursuivi l'été
Au bas des escaliers
Le concierge m'a surpris
Avec mes sandales pleines de sable
J'ai dû parlementer
Une fois dans la rue
Il neigeait déjà

Chantier

Ta vie fait autant de bruit
Que le vent
Entre deux immeubles
Noirs, vides et percés

Ta vie habite
La brique, le mortier et le câblage

Ta vie sera bientôt recouverte
De plâtre, de silicone et de peinture

Ta vie entendra alors
Leurs existences s'ébattre
Dans des pièces de lumière et de chaleur

Quand le loup n'y est pas

La montagne rongée de sapins
Comme une peau de vérole
Les ruisseaux pissent épais
Ils ont été remontés
Par de gros dégueulasses
Les clairières craquelées
Ressemblent à de vieilles couilles

C'est comme ça
Quand le loup n'y est pas
C'est comme ça
Lorsque de son trot poilu
Il ne nous essouffle pas

11 août 2012

Blup

Apprendre à
S'évanouir
Dans le blup
D'une bulle de savon
Qui éclate
Avant d'avoir
Touché le sol

10 août 2012

La pluie de tes chagrins

J'aimais récupérer la pluie de tes chagrins
Et abreuver mes espoirs burinés
Sous le soleil de nos maladresses

C'était avant que
Ne vienne le vendeur
De distributeurs automatiques d'eau

C'était avant que
Tu ne ruisselles entre mes doigts

C'était avant que
Je n'apprenne
Qu'après la mer
Il y a l'océan

09 août 2012

Maragogype

Le vent tombait
Comme une petite cuillère
Dans une tasse de thé
L'orage s'amenait
Comme un nuage de lait
Et les filles d'à côté
S'enivraient de maragogype

08 août 2012

Curiosity

Ses yeux teintait l'aube

Il expérimentait
Le principe de rotation
Au bout d'une brosse à chiottes

Et il imaginait les gestes minutieux
Que devait exécuter Curiosity
Tout là-bas
Sur la prochaine escale après la Lune

07 août 2012

Temps

Il s'attablait au présent
Parmi les apéritifs et les végétaux au vinaigre
Il riait dans ses coudes
Et il reprenait son souffle
Comme sur des montagnes russes

Il lui arrivait de se lever et de foncer vers le passé
Pour le lacérer à grands coups de trique
Comme quand la gnôle donne du courage
Pour aller secouer un clébard dans les fourrés de pays chauds

Il regardait vers le futur
Il lui lançait des ronds de fumée
Et il finissait par porter
Des verres plus foncés
Puisqu'il soupçonnait
Là-bas
Des robes inaccessibles
Qui dansaient sur les mélodies des gondoliers

06 août 2012

Dehors

Le ciel pompe nos têtes
Comme un géant
Muni
De compresses d'ouate

Nos imperméables

A Hélène Dassavray

Lorsque je pleurerai devant mes clés
Que je ne saurai plus descendre la dune
Que je n'aurai plus accès à la mer

Seras-tu là

Lorsque je tremblerai sans avoir peur
Que la nuit m'aveuglera
Que mes pas auront oublié nos chemins

Seras-tu là

Lorsque j'aurai laissé les fenêtres ouvertes
Que ton parfum se sera échappé
Que le vent aura effacé l'empreinte de ton odeur

Seras-tu là

Lorsque j'aurai perdu la raison
Que mon coeur se sera attardé ailleurs
Que mes mains n'y verront plus rien

Seras-tu là

Et penseras-tu à nos imperméables

Descente

J'ai croisé le Diable. Et j'ai été vachement déçu. Je l'ai vu sortir d'une voiture toute pourrie. Vraisemblablement assemblée dans le sud de l'Asie. Un moteur hybride, un truc de tiède. Il avait une mèche grasse qui lui collait sur le front. Le vernis de ses cornes avait pété et ça craquelait par endroit. Il avait troqué son cuir pour du coton équitable. Il a quémandé du feu à trois ados pour griller un machin biscornu qui avait dû ressembler à une cigarette. Il avait déteint. J'ai croisé le Diable. Et j'ai été vachement déçu. Pour une fois que je me baladais avec mon chéquier.

La vieille chanteuse anglaise

Hier ou avant-hier

Qu'importe
C'était vers 19 h
Après la fermeture des commerces

L'humanité avait les gestes
D'une vieille chanteuse anglaise
Qui chipote sur ses priorités

Elle hésite
Entre
Serrer davantage les lacets de ses bottes de cuir
Et
Saisir son verre de rosé niçois

Citadelle

Tes baisers
A l'assaut de mon cou
Au milieu de l'après-midi
Lorsque plus personne
Ne défend la citadelle
De nos amours

03 août 2012

L'orage avançait

Dans les rétroviseurs
L'orage avançait
Précédé de sa cour agitée
De poussières
De brindilles
De bourrasques en robes

Sur le museau de ma voiture
Trois guêpes insouciantes et voraces
Continuaient à se régaler
De cadavres de moustiques
Ecrasés sur le pare-buffle
Dans les rétroviseurs
L'orage avançait

02 août 2012

Pièges au lard

Tu savais
Attirer les certitudes
Tu connaissais
La qualité du lard
Pour les faire venir
Tu avais la technique
Pour fondre sur leur corps trapu
Dès qu'elles se présentaient
A ta portée
Et pas une de ces connes
Ne songeait à rebrousser chemin

Paume

Il avait cru capturer
Le monde et ses bestioles
Il croyait les tenir
Dans sa paume
Il les sentait gigoter
Ses doigts échelonnaient
Son étreinte
Il était fier de sa prison
De ses barreaux de chair et d'os
Et il ouvrit la main
Il n'y avait rien
Il s'était monté la tête
Comme on construit
Un château de sable
Dos à la mer
Sans voir venir le gros temps

Le vent dans nos hêtres

Dans nos sandales
Avant l'orage
Secoués comme des hêtres
Nous dansions
A la manière d'un vendeur de gaufres
Qui a envie de pisser