24 novembre 2014

Un oiseau noir gardait le gris du jour

A Thomas Vinau, en hommage à "Au froid de l'aube"

Un oiseau noir gardait le gris du jour. Il retenait la terre de ses serres, pourtant ridicules ainsi plantées dans l'ampleur du monde. Il l'empêchait de s'égoutter comme on retient un drap qui profite de la nuit pour glisser et s'enfuir. Plantés dans nos bottes, nous fumions nos cigares, nous éructions, nous nous grattions l'entrejambe. Nous lui opposions une frime maximale. Et ça faisait des petits chuintements lorsque nos cendres s'effondraient sur les sols détrempés. Il n'y avait pas beaucoup d'autres bruits par ici. Imperméables, nous considérions le volatile. Nous avions l'impression qu'il allait nous dévorer d'un rire. Nous nous gargarisions de nos frissons. Nos petits sursauts nous galvanisaient. Nous restions ainsi dans le froid, l'humidité et la pénombre perpétuelle, à opposer un rempart à l'oiseau noir qui gardait le gris du jour. Nous savions que nous pourrions compter un jour ou l'autre sur la relève. Nous savions que les migrateurs rapporteraient la lumière.