20 janvier 2015

Veilleuses

On s'habitue à la tristesse.

On s'habitue à une vie sans émotion autre que la satisfaction d'obtenir de la marchandise meilleur marché dans ses commerces favoris, en raison d'une participation assidue à un programme de fidélité.

On s'habitue à abandonner le désir et son cortège de soubresauts. On s'habitue au roulis lisse du bitume.

Et plus tard, avec beaucoup de chance, enfin c'est ainsi qu'il faudra qualifier les événements s'ils réussissent à survenir et si la vie se prolonge jusque-là, plus tard, un document sur la savane et l'endormissement des fauves au fusil hypodermique pourra procurer une joie.

Il s'agira plus précisément d'un sentiment primesautier. Celui-ci sèmera la confusion dans notre esprit.

Il nous ferait prendre les égarements de notre corps, à tort, pour de l'ivresse, si le personnel d'accompagnement gériatrique n'était là pour nous rappeler que la nuit exige désormais des veilleuses fiables et fait résonner des silences rayés.

05 janvier 2015

Dégel

Dans le dégel
Un renard mange
La dépouille d'un de ses semblables
Coupée en deux

Il est observé par une buse et un corbeau. Ils sont trois autour d'une carcasse. On dirait le commencement du monde.

Dans le train rapide, des hommes dociles et barbus commandent des capuccinos et ils redemandent davantage de crème.

Ensuite le soleil découpe et brise le matin et sa lame atteint la façade d'une maisonnette en bordure de forêt. Il s'introduit dans des existences ermites. Elles doivent maintenant s'accommoder de sa langue de feu qui lèche l'intérieur des pièces à la recherche de sucreries, de goûts salés, de traces et de condiments.

Tandis que des usagers des transports en commun gagnent les bus en buvant de longues bières contenues dans de l'aluminium. Tandis que leurs regards clignent et s'éloignent du tempo qui reprend.

Et il n'est plus possible
De dire exactement
A quel stade en sont
Les opérations
Dans le dégel
Là où
Un renard mange
La dépouille d'un de ses semblables
Coupée en deux