28 décembre 2018

Bruine

Traverser la bruine
Et l'avoir à ses trousses
Un perpétuel rideau de douche
Qui colle à nos âmes nues
Lâchées dans un temps incertain
Lancées dans des ciels de tourbe
Elles qui ne réfléchissent pas
Aveuglées par l'aube ébaubie
D'avoir tenu au jeu
Des yeux dans les yeux
Face à la nuit

27 novembre 2018

Bonimenteur

Ce matin
Est un squelette
Tenu par quelques fils
Animé par un vieil oiseleur

Ce matin
Est une petite farce
Sans chair et sans costume

Ce matin
Est un être au travers duquel
Tu peux glisser ta main
Et l'agiter à la recherche
D'un coeur qui n'existe pas

Ce matin
Est un bonimenteur
Qui t'invite
A le traverser
A poursuivre
Des souffles
Qu'il n'a pas su
Ravir à la vie

Un chemin à terre

Le ciel est tombé
Sur ce chemin

Alors lui
Il s'est serré
Très prêt
Tout contre
La forêt

Rien n'y a fait
Le ciel lui est tombé
Dessus

Ce chemin
Maintenant
De feuilles
Et de boue
Qui promettait
Dans une saison
De danse et de lumière
Qui promettait
Un sommet de colline
Recouvert
De ballerines
Et de pieds nus
De désirs portés
En cavalcades
Avec de l'élan
En suffisance
Pour déferler
Par delà les buttes savoureuses
En vagues capricieuses

Seulement
Voilà
Le ciel a rabattu
Ses grosses mains mouillées
Il lui a écrasé le râble
Tout au plus relève-t-il
La tête là-bas
Au sortir de l'orée

Quelques chasseurs
Ont raconté
Avoir entendu
Siffler
Avoir entendu
La musique
D'un râle
En habits de fugitif

Partez
Dispersez-vous
Les ballerines
Les pieds nus
Ne réapparaîtront plus
Partez
Dispersez-vous
N'accablez pas davantage
Un chemin à terre

11 novembre 2018

Une paire de mains

Tiens
Voici mes mains
Fais-en
Ce qui te chante
Tu sauras bien mieux
Les utiliser
Les amadouer
Leur parler
Que moi
Vieux sourd
Qui n'arrive plus
A écouter
Ce qu'elles me disent
Et qui n'ai plus la patience
De déchiffrer leurs lignes
Qui filent
En ritournelles
Me laissant
A bout de souffle

10 octobre 2018

Vieil ours

Tu es venue
M'offrir des gestes
De pays oubliés
De pays laissés
A leur propre sort
Tu t'es aventurée
Entre mes bras
Tu y as parqué
Ce qu'il restait
De ton caboteur
Je n'avais
Que mes mains
Mécaniciennes
A te proposer
Tu es venue
Rafistoler
Mon vieux port
Avec quelques coups
De nuages rapides
Et de soleil ronfleur
Tu es venue
Me raconter
Ces chansons
Et ces souffles
Oubliés
Tu es venue
Tenter de faire tenir
Un vieil ours
Sur deux pattes
En lui sifflant
Des airs troubadours


14 septembre 2018

Parler à la nuit

Parler à la nuit
Et la convaincre
De nous accompagner
Jusqu'à ce matin
Chapeauté d'un ciel
Qui ne sera désormais
Plus un refuge
Parler à la nuit
Et lui demander
Sa main
Ou tout au plus
Son épaule
Pour se reposer
Un instant
Même pas une sieste
Juste pour fermer les yeux
Sur le gris
Et rêver aux volutes
Epaisses de l'obscurité
Qui ne chipote pas
Qui n'est pas physionomiste
Qui nous accueillera
A ciel ouvert

15 août 2018

Insecticide

Tu t'es mis en tête
D'utiliser l'été
A dompter
Une mouche
Un moustique
Une mite
A qui il manquait
Une destination
Confiants
Ils se sont enthousiasmés
Des parages d'Arcturus
Enhardis
Par la prolifération
Des financements
Participatifs
Apitoyés par cette étoile
En fin de vie
Pourquoi pas Véga
Et son disque de poussières
Tu leur fis peur
A souffler ce nom
Aux airs d'insecticide

25 juillet 2018

Sandales

Je m'arrêterai sur la jetée
Je moudrai nos sandales
Je construirai une forteresse de leur sable
Et nous vivrons là
Et nous attendrons les grains
Et nous capturerons quelques goélands
Et nous construirons un aéronef en plumes
Et à grands coups d'ailes
Nous partirons au pays
Où naissent les tempêtes

24 juillet 2018

A l'assaut du bleu

Et le ciel se disputait
Derrière nous
A vouloir attirer l'attention
A tendre des pièges
Dans le rétroviseur
A vouloir nous garder
Dans l'arrière-pays
Parmi les tannières
Au milieu des hautes forêts
Le ciel avait retroussé ses manches
Il savait qu'avec l'océan devant
La partie serait corsée
Et nous qui filions
Et nous qui laissions
Des feux clignoter
Et nous qui laissions
Le vert et le rouge
Et nous qui nous précipitions
Pour fendre la houle
Pour rentrer dans cette gorge
Capable d'avaler le ciel tout entier
Les jours d'appétits féroces

26 juin 2018

Dans la cale

Au fond de l'horizon
C'est-à-dire
Très loin
Quelque part
Où le ciel et la terre
Se cachent pour se disputer
L'été a montré le début d'une mèche
Nous avons lancé nos fileyeurs
A l'assaut de cette blondeur
Nous avons déposé nos filets
Au fond de l'horizon
Et nous avons parié
A celui qui l'attraperait
Lorsqu'il repointerait une mèche
Nous avons tenté de deviner
Celui qui reviendrait au port
Avec une saison de joie dans la cale
A partager avec des moules et des frites

Dentier

Ce matin
Est un dentier mal collé
Ne lui sourions pas trop
Ne faisons pas de grimace
Il pourrait nous tomber dans les mains
Et puis aussi
Nous n'avons pas de verre d'eau
Alors
Il ne survivrait probablement pas
Jusqu'à midi

Orage

A te débattre
Sous l'orage
Comme on se cache
Sous un duvet 
Mille fois rapiécé
A t'agiter
Pour retrouver
Au-delà
Des misères
Au-delà
Des bourrasques
La lune qui descend en couteaux
A te démener
Pour capturer ces lames
Et tout dépecer
Et tout préparer
Pour la venue du marchand
Avec ses gros sacs vides de sable

24 mai 2018

Friture

Traverser la ville
Alors que la pluie
Fait frire les sols
S'élancer pieds nus
Dans les casseroles
Fumantes et fraîches
Du ciel

04 avril 2018

Conquêtes

Des humides
Très imbibés
Ont amené
Jusqu'ici
Leurs conquêtes
Comme un trophée
Comme quelque chose
D'inespéré
Qui n'aurait plus dû arriver
Et alors
Au fond de leurs yeux
S'allume à nouveau
Une flammèche
Persistante et insoumise
Comme au début
De leur histoire
Avec l'alcool

10 mars 2018

Voirie

Comme une cigarette
Par la fenêtre
Sur l'autoroute
Nous avons jeté
Notre tristesse
Dans le jour
Elle a tapé 
Des gens derrière
Elle a valdingué
Un peu
De gauche et de droite
Sans rien perturber
Elle a fini 
Sur le bas-côté
Comme du gibier mort
Elle sera avalée
Par des véhicules
Qui clignotent
Comme des yeux
Friands de carcasses

Quai

J'aimerais ce quai de gare
Giflé de bourrasques
Un tabassage en règle
Des morceaux de ciel
Partout par terre 
Qu'on ne sache plus 
Trouver un itinéraire
Pour parvenir aux trains
J'aimerais ce quai de gare
Jonché de météo
J'aimerais ce quai de gare
A te barrer la route
Puisque tu t'en vas

28 février 2018

Au creux de ton épaule

Le vieux bateau
Parcouru de famines et de scorbut
Les voiles fatiguées
Le navire dont on ne se rappelait plus bien
Quel est son nom déjà
La coque sénile
Les morts l'avaient vu appareiller
Ils ne sont plus là
Personne ne regarde vers lui
Pas de mines séculaires sur la baie
Pour grogner quelque souvenir
La chose au large
Attend sagement
Elle sait qu'ici désormais
Des valses obséquieuses 
Commandent aux allées et venues
Et puis tu dis viens
Et puis il accoste au creux de ton épaule
Comme si cette baie
N'avait jamais cessé d'exister

Les vilenies

Le vent se lève
Et avec lui
Les vilenies
A qui il faudra
Tordre le cou
Avec qui il faudra
Se battre
Au corps à corps
Dans ces anciennes gesticulations
Qui aujourd'hui
Font peur
Tiennent à distance
Nos envies
De pistes et d'horizons
Le vent se lève
Il n'est plus temps
Déjà
De s'équiper
Viens voir
Le vent
Qui se lève

24 février 2018

Temps perdu

Attirons-le
Avec quelques promesses
Mettons-lui une cagoule
Ligotons-le
Et allons perdre notre temps
Par les rues
Allons lui faire écouter
Le chant des caniveaux
Les histoires impossibles
Les alcools qui radotent
Les rêves frippés
Allons perdre notre temps
Tout au fond de nos vies
Et faisons en sorte
Qu'il ne retrouve jamais
Son chemin

La rentrée

L'aube
Le moment de toutes les morsures
Celles de la nuit
Qui s'en va
Qui claudique
Celles du jour
Qui arrive
Avec appétit
A foulées légères
L'aube
Quand ton parfum
Rentre chez lui

19 janvier 2018

La gouille

Le départ des cigognes marquait la disparition de la gouille. Le brouillard s’installait et saccageait tout. On n’y voyait plus rien. Personne n’aurait pu dire qu’ici, l’été faisait courir les rires sur le petit ponton. Désormais, c’était une bouillie d’où ne sortaient plus aucun poisson, il n’y avait plus de joies à rôtir. La brume avait tout englouti. Elle avait digéré les ampoules colorées qui délimitaient la place de galets. Les rives avaient noirci, les herbes sauvages sentaient l’humidité boueuse. Lorsque les cigognes passaient au-dessus de nos têtes, elles tiraient un drap sur la saison. Ce rideau brutal, c’était Tonton Ronald.

14 janvier 2018

Par l’épaule

Au bout de cavalcades hirsutes
Après avoir foncé l’un contre l’autre
Des dératés qui perdaient haleine
Nos rires se sont retrouvés
A se prendre par l’épaule
De vieux poilus
Qui en avaient bavé
Qui en avaient vu
Qui avaient pleuré ensemble