01 mars 2023

Forteresse

Le ciel
Avait le calme
Sur l'horizon
D'une boucle de cheveux
Sur ton oreille
On pouvait faire les fiers
Jouer à celle et celui
Qui attendent le vent
De pied ferme
Qui tirent avec frénésie
Sur quelques cordages à leur portée
Qui tripotent leurs lunettes foncées
On pouvait parler
De tout ce qu'on ne connaissait pas
Et surtout des tempêtes
Des nuages qui reniflent
Des pluies de mucus
Seulement voilà
Après le vent s'est levé
Et il a fallu se répartir
Les tâches
Pour défendre
La forteresse
Guère plus épaisse
Qu'une boucle de cheveux
Sur ton oreille

01 février 2023

De ce côté-ci des ennuis

Je me suis équipé
D'une feuille morte
Pour traverser une flaque
Et atteindre le trottoir d'en face
J'ai fait provision de soleil
Et lorsque l'heure fut venue
De regagner le côté demeure
La feuille avait cassé
Le soleil avait disparu
Le sombre s'était emparé de la rue
J'étais déséquipé
A regarder des ombres et des esquisses
Que je devinais puisqu'elles devaient représenter
Ces gestes qui me maintenaient en vie
Quelques heures auparavant
De ce côté-ci des ennuis

01 janvier 2023

Dans de l'eau claire et du vinaigre

La truffe au sol
Chercher les ennuis
Dans les feuilles et la bave
Remonter la piste
Contre le vent
Et le soleil
Déguisé en zèbre
Au fond des bois
Humides et crus
Par les forêts
Propices à héberger
De bien beaux ennuis
Qu'on ramènera chez soi
Qu'on lavera
Dans de l'eau claire et du vinaigre
Qu'on disposera
Dans un bocal spacieux
Tout le confort nécessaire
A les conserver et à les élever
Jusqu'à ce qu'on les déguste
En bonne compagnie
Un de ces soirs
Rapiécés, sombres et velus
Au fond d'une saison
Qui chante
Faux, à tue-tête et en haillons

02 décembre 2022

Echouage

Un coin de ciel
D'océan
S'est échoué
Au-dessus
De nos hâtes râblées
Il n'a pas eu le temps
De sécher
Déjà une tempête
D'une grosse voix geôlière
Le désensablait
Pour le ramener
Au-dessus
D'autres êtres précipités
Et confits de suées
Même si
Un coin de ciel
D'océan
N'appartient à personne
Ni même
A l'horizon

21 novembre 2022

Provisions

Faire des provisions de jour
De ces morceaux de lumières
Tombés au sol
Avec un peu de malice et d'adresse
On arrivera encore à éclairer
Des chagrins et leurs cohortes
De fourmis misères
On réussira à réunir de la munition
Puisque la nuit et ses milices
Se pressent tôt désormais
A taper sur les barrières de l'horizon
Dès la fin du jour
A pousser, à se faufiler
Jusqu'aux pieds de nos citadelles de soie
Qui sans lumière
Périssent sans oxygène

13 octobre 2022

Moisson

Les plénipotentiaires de l'ombre
Les marchands de pénombre
Qui pèsent la brume et l'obscurité
Sur la balance d'une fin d'été
Ces grandes mains sombres
Caressent les branches d'un peuple
Déjà réfugié sous terre
Cette sombreur aux gestes amples
Est la dernière moisson
Celle du jour
Celle de ses éclats
Entassés dans des remises, des hangars
Et des granges qui nous accueilleront
Pauvres, dépouillés, errants et hagards
A dormir sur un lit de lumière
Lacérée en paille

06 septembre 2022

Aux fumées

Les nuages rappellent aux fumées
Qu'ils possèdent
Le droit de vie ou de mort
Qu'ils décident de leur sort
Peu importe la raison
De grosses mains boursoufflées
Qui s'abattent sur de petits doigts grillés
Depuis le ciel vers la terre
Venues des espaces amples là-haut
Sur des territoires étriqués là-bas
La puissance simple de l'air et de l'eau
Précipitée
Sur les tracas minables
Et les disputes pouilleuses
Le souffle bleu, élevé
Qui fissure le rot fétide
Les nuages rappellent aux fumées
Qu'elles restent soumises
A leur bon plaisir

13 août 2022

Revenir demain

D'où vient-il
Ce vent
A visiter la ville
A s'enfiler partout
Pas vraiment chaud
Même un peu frais
Ce visiteur du soir
Qui l'a envoyé
Depuis quels horizons
Quel est cet affamé
Qui vient ronger
Les façades sèches
Et lécher les poussières
Que nos sandales
Faute de sable et d'océan
Essaient de faire danser dans l'air
Pour séduire le jour qui tombe
Et faire en sorte qu'il veuille
Revenir demain

01 juillet 2022

Sabots

Par les chemins
Avec ses sabots de pluie
Elle partait à la conquête
De chaque flaque
Elle construisait un royaume humide
Défendu par une armée de gouttes
Elle prit du repos
Pour contempler ses terres détrempées
Elle sécha ses sabots
Tant et si bien qu'elle se retrouva
Pieds nus et privée d'empire
Avec pour seule promesse
Le règne des poussières

28 juin 2022

Azur

A se placer bien droit
Sous le ciel
A tendre le menton
Peut-être qu'un nuage
Descendra
Se courbera
S'intéressera à notre sort
Réussira à nous tamponner le visage
Enlèvera tout ce maquillage
Celui qui nous dissimule
Celui qui nous sert à mentir
A la lune, au soleil et au peuple de l'azur

05 mai 2022

Secs, drus et farouches

Et si c'était nous
Qui nous filions
Entre les doigts
Puisque nous n'avons
Pas réussi
A retenir nos têtes
Dans nos mains
Nos têtes hérissées de fatigue
Nos mains tendues dans le vide
Et si c'était nos ombres
Qui nous faussaient compagnie
Tandis que nous traquions
Des lumières absentes
Puisqu'elles avaient quitté ces lieux
Secs, drus et farouches
Dès les premiers signes
Dès que nos cheveux eurent commencé
A tisser d'eux-mêmes des filets
Des pièges
Pour retenir
Nos mains
Qui ne retenaient déjà plus rien

20 avril 2022

Au royaume des pruines

Il ouvrait ses fenêtres
Avec l'application de celui qui
Décapite des mouches
Il déroulait un tapis de poussière
Il accueillait le soleil
Il s'enivrait d'un carnaval d'ombres
Réveillées en sursaut
Après une nuit à même le sol
Il ouvrait ses fenêtres
Il faisait mine de croire
Que le monde s'y bousculait
Pour s'enivrer de masques
Rapidement constitués
De débris et de dépouilles
Peut-être, ici ou là,
Des yeux de mouche
Ou leurs ailes
Ou quelque chose en tout cas
D'abandonné au royaume des pruines
Qui brillait
Et qui
Insolemment
A s'y pencher un peu
Défiait presque ce soleil
Accueilli avec minutie

02 mars 2022

Trappeur

C'est quoi ce raffut
Tout au fond de l'avenue
Non ce n'est pas le bruit
Du bitume qui disparaît
En langue souple
C'est quoi ces agitations
Cette échappée
Cette lumière poudreuse
D'un soleil qui a tapé la poussière
Ce sont les faubourgs
De l'horizon
Qui compliquent et bloquent
L'accès à nos étés, nos joies et nos soupirs
Certains ici se lancent déjà à l'assaut
Frêles, agrippés sur des relents d'hydrocarbures
Ils ne voient pas le bitume qui disparaît
En langue souple
Ils seront avalés par des banlieues gourmandes
Et le raffut continuera
Il couvrira cette déglutition
Naïve et téméraire
Ceux qu'ils ont quittés les oublieront
Ceux qu'ils n'ont pas atteints
Ne les connaîtront jamais
Et le raffut s'entêtera
Puisque trappeur de mémoire
C'est ce qu'il fait de mieux

11 février 2022

Ici, en bas ou au milieu

Quel est ce jaune
Qui emballe le jour
J'ai essayé de craquer des allumettes
D'ajouter des boutons d'or
De saupoudrer du sable
De celui qui me restait
Sous mes semelles usées
Qui ne se hasardent plus 
Depuis que l'océan s'est retiré
J'ai capturé quelques traits et quelques rayons
Abandonnés par un soleil impatient
J'ai essayé de mélanger tout ça
Mais quel est ce jaune
Inaccessible
Qui soumet le jour et ses caprices
Je crois bien que c'est toi
Qui ne m'a pas abandonné
Qui m'a simplement laissé
Me débrouiller tout seul
Puisque je m'étais mis en tête
D'attraper le vent
A coups de lasso
Un dresseur de vent
Me disais-je
Sera bien capable
De t'empêcher
De gagner le royaume des ombres
Ou celui des nuages
Un dresseur de vent
Sera bien capable
De te dissuader
De filer et de me laisser
Ici, en bas ou au milieu

Collines

Une lumière visqueuse
Immobilise la rue
Seuls les arbres
Eructent encore
On ne sait pas trop
On n'entend pas bien
On sent un peu
Une odeur de silence
Ils en ont tant fait banquet
Une odeur de silence
Oui
Puisqu'il est fringant
Et qu'il nous observe
Depuis les collines
Nous qui pataugeons
Avec ce qu'il nous reste de vivants
Il ne nous tendra pas les bras
Il faudra nous hisser seuls
Prendre appui
Peut-être
Sur quelques gravats
Construire un marchepied
Avec des bouts d'espoirs et de joies
Un peu moisis mais c'est superficiel
En les frottant un peu
En les trempant de lumière
De celle qu'il nous reste au fond des poches
Emballée de tissu, sèche et claire

02 janvier 2022

Mélodie

Une vieille ruse
Du vent
Et des feuilles
Restées accrochées
Sur les plus hautes branches
Un vieux tour de passe-passe
Pour restituer
Entre ciel et terre
Le bruit de l'été
Alors que la neige
Escortée en rafales
S'est employée à dépouiller
Toutes les futaies
Dans un grognement
Trop goulu, trop vorace
Une vieille ruse
Du vent et des feuilles
Pour cacher à l'ogre de cristaux
La mélodie de la lumière

24 décembre 2021

Lançons-nous dans le jour

Lançons-nous dans le jour
Peut-être que nous taperons
Un peu de joie par terre
Oubliée, chiffonnée et durcie
Lançons-nous dans le jour
La truffe au sol
A respirer la lumière
Tombée des secousses
Du chariot du marchand
Puisqu'il doit exister celui-là
A venir là où nous ne sommes pas
A laisser traîner ses affaires
Lançons-nous dans le jour
Puisque nous sommes des dératés
Sur les chemins en pente du solstice
Lançons-nous dans le jour
A chercher la bagarre
Avec n'importe quoi
Pourvu que ça scintille
Lançons-nous dans le jour
Qui pour nous pousser
Allez, qui, oui, qui

06 novembre 2021

Sans bagage

Accrocher nos yeux
A un nuage
Peut-être pas le plus beau
Peut-être pas le plus compliqué
Juste celui qui traîne à l'arrière
Lancer son regard
Le persuader d'attraper notre âme
Et de l'emmener là-bas
Dans ces cimetières célestes
Remplis de tempêtes et d'orages
Au repos
Accrocher nos yeux
A tout ce qui s'enfuit
Vers l'horizon
Sans bagage

05 octobre 2021

Un matin laiteux

Un matin laiteux
Qui accueille nos corps secs
Qui les ramollit
Qui tire d'anciennes douceurs
A faire rancir l'aube
Puisque trop vieilles
Un matin laiteux
Qu'il ne vaut mieux pas boire
Mais grignoter
Avec tout ce qu'on y a trempé
Et faire provision
De vieux jus
De forces
Pour aller faire les poches
De cette tristesse sauvage
Qui passe ses nuits dehors
Qui attend nos corps
Dérobés
Occupés
A plonger dans ce matin laiteux

01 septembre 2021

Herbier

Ecorner
Des joies passées
Ainsi s'en souvenir
Ainsi y revenir
D'un doigt
Y glisser aussi
Une ou deux tristesses
En herbier
Folle tentative
De les aplatir
De les rendre inoffensives
Alors qu'elles bruissaient
De toute leur fureur
A la pleine saison
A la saison des joies
Alors qu'elles nous berçaient
Elles nous faisaient oublier
Qu'il fallait
Ecorner nos joies
Sans tarder
Avec méthode et dextérité

02 août 2021

Larmes

Mettre quelques larmes à bouillir
Les regarder s'évaporer
Rejoindre le ciel
Et ses mille animaux de brume
Cuire quelques larmes
Dans le casque cuivré
De nos jours audacieux
Ceux qui sont partis
Par les chemins de boue
Par les sentiers humides
Rejoindre des destinations intrépides
Devant notre bouilloire
Sous le zoo qui nous sert de ciel
Il ne nous reste plus assez de jus
Pour faire une petite fricassée
Et attirer des ombres joyeuses
Que le soleil aura abandonnées
Aux côtés de nos sécheresses

08 juillet 2021

L'arrivée

La lumière arrivait en lames
Elle s'introduisait
Dans quelques hautes futaies
Elle découpait
Celles et ceux qui avait trop tardé
Trop bavardé avec la nuit
Trop enivrés des parfums de l'obscurité
La lumière arrivait en lames
Et nous l'attendions
Alors qu'à nos pieds
Les tripots de la nuit
Encore fumant
Rendaient un peu de poussière
La lumière arrivait en lames
Sur des terres que nous avions déjà possédées
Armés de feu et de béton

04 juin 2021

Offenser la nuit

Offenser la nuit
Descendre ses viscères
Traînasser
Saisir des bris
Saisir des tessons
Saisir des branches
Se recouvrir
Dans la mêlée
De son sang
Pour qu'enfin
Elle nous accepte
Elle nous renifle
Elle nous reconnaisse
Nous, ses enfants
Irrévérencieux
Prêts à toutes les offenses
Et ivres des farces du jour

05 mai 2021

Canaris

Prenons l'aube de vitesse
Jusqu'à l'océan
Capturer deux ou trois gros nuages-chats
Encore endormis
Des traînards
Ivres des vents du soir

Nous les appâterons
Avec des brumes
Ramenées de l'arrière-pays
Nous avons autrefois leurré des nuages-chiens
A coup de rots habillés en buées
Nous devrions réussir
A déguiser des brouillards
En canaris

Prenons l'aube de vitesse
Avant qu'elle n'agite
Quelques bouchons de ciel bleu
Devant ces nuages
Encore saouls
Des vents du soir et de leurs promesses de voyages
Encore saouls
Tandis qu'ils les dépouillaient de leurs pluies

Jus

Tandis que nous rassemblons
Nos forces
En tout petits tas de bois
Au-delà
Après la rivière
Derrière la forêt
Après les truites immobiles
Derrière les chevreuils et les lièvres tranquilles
Un jus lumineux noie l'horizon

Tandis qu'ici
Nous attendons encore
Celui ou celle
Qui rapportera de la paille et de la cire
Pour allumer nos tout petits tas de bois

Où reste-t-il, où reste-t-elle
Peut-être que sa petite provision de forces
Emportée à la hâte
S'est déjà épuisée en chemin

Peut-être que nous devrions
Nous résoudre
A l'abandonner aux truites, aux chevreuils et aux lièvres
Peut-être que nous devrions
Ne pas regarder
Assoiffés
Ce jus lumineux
Qui noie l'horizon

06 avril 2021

Seuil

Entrer dans tes cheveux
C'est entrer dans une cathédrale
L'ombre et la lumière
Y bousculent des parfums anciens
Et frottent de vieilles tombes
Aux dalles effacées
Entrer dans tes cheveux
C'est prier ce seuil
Et demander de le franchir
A chaque fois que la chaleur
Rend inhabitable
Ta peau couleur de désert

01 avril 2021

Déplumées

Cette forêt
Est une échine
Qui frissonne déjà
Avant d'avaler
Tout cru
Ce soleil
Que nous pensions
Robuste
A tenir tête aux ténèbres
Même à ce qu'il en reste
Après qu'une flottille de corbeaux
Organisés en rameurs
Leur ont dépecé
Le bout des intentions
Cette forêt
Est une échine
Qui frisonne encore
Parce qu'elle digère
Un soleil
Empoisonné
De ténèbres déplumées

17 mars 2021

Hippopotame

L'hiver est un crocodile
En bottes de paille

Il nous laisse croire
A nos rêves
De pyromanes

Ce n'est pas
Avec ce qu'il nous reste
D'été effrité et poussiéreux
Au fond des poches
Que nous pourrons
Lui enflammer les pattes

Le printemps peut-être
Lui enverra un hippopotame
Une de ces grosses bêtes
Qui ferait même peur
A une armée de flocons

Le printemps peut-être
Occupé encore
On ne sait où

18 février 2021

Des yeux

Un peigne de vent
Une langue de pluie
Pour nous recoiffer
Et nous donner l'allure qu'il faut
Devant la tempête qui s'amène
Elle qui fourbit le projet
De décoiffer tes yeux et les miens
Si emmêlés soient-ils
Si convaincus soient-ils
De mettre en fuite
L'oeil du cyclone

05 janvier 2021

Au fond de la rivière

Quelques âmes agiles
Se sont laissées prendre
Au fond de la rivière

A mains nues

Et nous les regardons
S'agiter dans notre seau
Et dans le froid piquant
Nous faisons mine
De jouer à ne rien voir
Alors qu'il s'agira de décider
Bientôt
Ou les estourbir
Ou les rôtir

Nous reportons ce moment
Et nous faisons tourner
Dans l'air
Quelques prénoms inconnus

Peut-être s'approcheront-ils
Du seau
Peut-être alors
Se feront-ils gober

Nous ne faisons rien d'autre
Que monnayer
Un peu de répit
Un peu de temps

Nous ne faisons rien d'autre
Que jouer
A nous laisser prendre
Au fond de la rivière
A mains nues