31 octobre 2012

Sa vie

Sa vie
Est un peu haute
Il ne touche pas les pédales
Sa vie
N'avance pas
Sa vie
Est privée
D'allume-cigare
Au fond de la route
Juste avant le virage
Des êtres fluorescents
S'animent
On dirait
Qu'ils lui font
Signe

30 octobre 2012

Tirelire

Quelle est cette tirelire
Silencieuse
Où s'écrase le soleil
Chaque soir
Comme un sou d'or
Quelle est cette tirelire
Invisible et sans fond
Si gourmande de lumière
Quelle est cette tirelire
Qui ne vomit jamais
Quelle est cette tirelire
Qui nous fait courir
Comme des dératés
Qui nous fait croire
Que l'horizon est une solution

Festin de choucas

Du plat de ses grosses mains invisibles
Le vent
A poussé
Les choucas
Pouilleux et survivants
Dans la forêt
Sombre et noire
Comme une gueule
Grande
Ouverte
Et carnassière

27 octobre 2012

Dentier

Le sol a bougé
Ainsi qu'une Mère-Grand
Rajuste son dentier
Le même mouvement
De mâchoires
Et tout reprend
Ses aises

Refuge

Descendre en rappel
Au creux de son oreille
Trouver refuge
Un pavillon
Pour l'hiver

24 octobre 2012

Etages

Au-dessus du brouillard
C'est la rentrée
Ou un truc du genre
Nous sommes trois poivrots
Accrochés à notre télescope
Et nous avons vu
Il nous semble bien
Dieu mettre une nouvelle doublure
A son cahier des exceptions
Et se passer la langue
Sur la lèvre supérieur
Comme nous quand on a trop soif
Alors
A notre avis
Avec ce qui se prépare
Au-dessus du brouillard
Ici au-dessous ça va chier

Tremblements

Nous tremblons
Et plus rien n'est stable
Et tout se dérobe
Nous tremblons
Sans avoir
La légèreté
La portance
L'élégance
Des feuilles mortes

Bûcheron

Humer
Tes franges
Dessinées
Comme des écorces
Déportées
Dans la poussière et le bitume
Très en forme de juin
Et te parler
Du temps
Où j'exerçais
Le métier de bûcheron

Écouter
Remarquer
Distinguer
Ton désir
Pour les cure-dent
Taillés
À la hache

Tard

Il est plutôt tard
Enfin si j'en crois
L'auréole des réverbères
Ces bâtons de lumière
Dont nous avons pavé les ténèbres
Avant d'être transformés
En moustiques

23 octobre 2012

À bras le corps

Il fallait
Que nous nous ressaisissions
Nos mains
Pourtant
Glissaient
Sur nos corps lisses

Sans prise

Sous l'emprise
De sollicitations abrasives
Et personne
Pour nous jeter
Sur l'étang gelé
De nos amours

Cargaison

Il s'est décomposé
En petits containers
Il a laissé ses cargos
Fendre les creux
Jusqu'à elle
Dans ce pays
Où tous les grutiers
Ont été assassinés

18 octobre 2012

Son désir

Son désir
Etait un cocker épileptique
Sur la table
D'un vieux vétérinaire
Fumeur de cigarettes au maïs
Et proche
Des milieux pharmaceutiques

17 octobre 2012

Sonde

Voyager 1
Avec ses 722 kilos
A vitesse constante
Traverse le silence
Chez les autres
Qui existent
Ou pas
Tandis que nos corps
Perclus de sondes
S'alourdissent
Ralentissent
Pourrissent

16 octobre 2012

Avec Bob

D'abord
Avec Bob
On ne s'est pas douché

Nos corps et nos croûtes ont glissé
Directs
Rigides
Secs en surface
Humides dans les replis
Dans nos survêtements
En élasthanne

Nos haleines de vieilles tavernes
Ont rivalisé
Comme deux clébards ravagés sur un ring asiatique

Et après
Avec Bob
On a bien pété
Les rognons congelés
Que nous avait mitonnés
La voisine
Celle du 45 à la queue-de-cheval poisseuse
C'est Bob qui l'a touchée un jour

Et encore après
On a grimpé à deux sur le tracteur-tondeuse
Et on a légèrement rafraîchi
La longueur de  nos rêves

Et finalement
Avec Bob
Comme nous étions très fatigués
On s'est vautré sous l'avant-toit
On a essayé de siffler des nanas
Mais ces foutus rognons
Fouettaient toujours
Et empâtaient
Nos cavités buccales
Comme on dit dans les magazines

Alors on a décidé
D'aller manger des côtelettes

C'était une chouette journée
Avec Bob

Besogne

Dans l'antichambre de la pluie
Dernier contrôle de qualité
Sacré métier
Qu'affûteur de gouttes

15 octobre 2012

Sentinelle

Qui-va-là
Qui-vive
Sont nos deux
Puissants pur-sang
Lancés à toute force
Au milieu
Des mâchoires du temps

Leur amour

Leur amour
Est un chien incontrôlable
Qui se prend
Pour un renard
Dont la seule obsession
Est
De fracasser des portes de grange
Pour égorger des poules

Sur ses ruines

Sur ses ruines
Bien campé
Je veux dire par là
Equipé de tout le matériel nécessaire
Pour survivre un peu

Sur ses ruines
A croire que l'eau et les protéines déshydratées
Suffiront

Sur ses ruines
A moitié sourd
A moitié aveugle
A moitié fou
A moitié tout

Bref
Fendu en deux
Pas vraiment par le milieu
La coupe a été imprécise
Du travail de sagouin

Sur ses ruines
A ne plus distinguer
Le parfum de la puanteur
La mousse de la pourriture
Le solide du précaire

Sur ses ruines
Il fait rentrer
Dans ses narines
Les odeurs
De tout ce qu'on brûle
De tout ce qu'on précipite
De tout ce qu'on descend
Au loin

Il imagine reconstruire
Un monde
Avec quelques senteurs
Capturées au hasard du vent
Le fou

13 octobre 2012

Fouille

Le soleil
Perce la fin du jour
Et depuis l'horizon
Sa lame
Vient nous chercher
Au fond de nos vies
Elle nous ramène
Au milieu du monde
Du plat du couteau
Comme une part de tourte

12 octobre 2012

Humidité

Au pays des cercueils
Je suis
Un carton
Qui a pris l'eau

11 octobre 2012

Mains arides

Comme on s'abreuve
Elle s'est penchée
Au creux de ses mains
Elle a bu les lignes
De ses paumes
Elle y a récupéré
Ses larmes
Elle s'est assurée
Que rien ne repoussera
Sur ses terres
Désormais arides

Regarde

Regarde
Comme ils dansent
A se repousser
A foncer
L'un contre l'autre
Dans un mouchoir de poche
Elle qui fait des mines
Lui et ses airs boudeurs
Regarde
C'est le monde
Son mouvement
Premier et simple
Ils essaient de le cacher
Ils passent leur vie à ça
Pourtant
Regarde
C'est ce qui les perdra
Regarde
Mais regarde donc

10 octobre 2012

Scier

Découper le vent
À la scie de nos arrogances
En dalles imprécises
Assez stables
Pour s'échapper
Vers le haut
Et sautiller
De pierre en pierre
Comme on le ferait
Dans un jardin
Boueux et ravagé
Par les inquiétudes
De l'écosystème
Que nous rejoignons

Hésitation

Elle a les yeux
Qui sentent
Les blés
Bousculés par le vent
J'hésite à sortir
Mes mains des poches
Mes mains de paysan
Celles des jours terreux
Celles qui déploient
Des mouvements amples
De moissonneuse-batteuse

09 octobre 2012

Sentiers

Le jour
Baisse
La nuit
Baise, viole, tue,
Lacère, piège, piste,
Attend, guette, trace

Désormais
Nous progressons seuls
Sur les chemins
Escarpés
De l'aurore et du crépuscule
Jusqu'à la lumière

Saison

Voici les matins
Qui accueillent
A leurs débuts
La langue glaireuse
D'une saison
Sur les montagnes

Parmi les glandes pulpeuses
Du monde d'en bas
Nous sommes de petites bactéries
Affairées dans nos cuisines
A nous prémunir du froid

06 octobre 2012

Par l'évier

Il aura suffi
D'une inattention
Légère
D'une maladresse
Succinte
Pour laisser filer
Les jours heureux
Au fond de l'évier

Prenons la bagnole
Fonçons
A la station d'épuration
Après quelques traitements chimiques
Dans les jus filtrés
Nous pourrons
Peut-être
Ressusciter quelque chose
Retrouver
Des mouvements
Des bribes
Des éclats
A nouveau comestibles

Zone détaxée

Avec
Son petit sachet
De cellophane
Il partait
A la chasse
Aux regards complices
Dans la zone détaxée
De l'aéroport
Il frôlait les gondoles
Il aimait les surprendre
Immobiles
Concentrés
Aimantés
Dans les scintillements
D'or et d'argent crus

C'est l'heure où

C'est l'heure où
La nuit s'avance
A grands coups
D'ailes de corbeaux

C'est l'heure où
Il convient de
Se tenir bien campé
Sur le pas de sa cambuse
Bardé de cartouches
La pétoire en mains

C'est l'heure où
Il convient de
Rythmer la pénombre
De mouvements de charge

C'est l'heure où
Il convient de
Déchausser
Le gris et le sombre

Car l'aube dort
Ici

Et nom de Dieu
L'obscurité
Ne passera pas
Ne touchera pas
A un seul
De ses cheveux
De lumière

02 octobre 2012

Lever la trogne

L'océan
A livré
Sa dernière cargaison
De bleus
Pour aujourd'hui
Les mouettes sont déjà
Affairées à y lâcher
Leur gouache grise
Avec ça
Il faudra faire
Rosir l'aube
Saoulée de lune
Effondrée
Comme chaque soir tropical
Sur l'horizon
Son lit d'algues puantes

Coïncidence

Une adolescente obèse
Capturait des méduses
Dans une eau saturée
De déjections chimiques
Alors qu'ils parlaient
Adoption
Avec les tenanciers
Du bar exotique

01 octobre 2012

Portail automatique

Au bout de la saison
Le brouillard et le vent
Ont précipité nos illusions
Qui s'amassent sur le sol détrempé
Qui bloquent de leur masse
Le portail de nos espoirs
Il suffirait d'un jardinier et d'un râteau
Pour que les automobiles
Puissent à nouveau actionner
La commande à distance
Et libérer
Le mécanisme d'ouverture

Hey!

Le symposium
Des programmeurs
Touche à sa fin
Les carcasses
De cochons de lait
Luisent
Dans le soleil couchant
Les chambres single
S'apprêtent
A changer
De catégorie
Le room service
Atteint un pic
De commandes
De cocktails tropicaux