27 octobre 2011

ADMINISTRATIONS - Episode 9

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Jocelyne F. commença à pleurer. Elle contamina deux autres collaborateurs. Monsieur le Conseiller général P., directeur du Service d'encaissement des contributions, tournait rapidement la tête de gauche à droite. Et il craqua.

- C'est quoi ce bordel? Quel est le petit con qui s'amuse à ça? Je vais vous foutre un avertissement disciplinaire collectif si personne ne se dénonce.

La voix de Jean-Jacques K. retentit à nouveau, immense, de nulle part.

"Ecoutez, on va dire que personne ne s'opposera aux lenteurs de la procédure sur les dossiers des ressortissants de la République démocratique de Z. s'ils sont, disons, traités en bout de file. De toute manière, il y en a tellement, si ça peut faire passer le message. Qu'ils se calment un peu, qu'ils restent chez eux. Ouais, c'est ça, le mieux serait qu'ils restent chez eux, mais faut pas rêver."

Entre deux reniflements, Jocelyne F. articula quelque chose en direction de Monsieur le Conseiller général P.

- Monsieur, je crois que ce sont les murs.
- Hein?
- Ce sont les murs qui se mettent à parler.

Le petit microcosme des salariés de la section "Contentieux Ouest" du Service d'encaissement des contributions eut un mouvement vaste, sec et simultané, semblable à celui des bancs de petits poissons blancs à l'approche d'un prédateur.

Ils avaient compris. Les murs se mettaient à parler.

Nous nous mettions à parler. Nous avions choisi de leur renvoyer leur image sonore. Mais ce qui les inquiétait probablement le plus, c'était la menace qui planait désormais sur leurs petits secrets.

- C'est du délire! Nom de Dieu, c'est du délire! Appelez-moi les flics! Non, appelez-moi le préfet! Et faites évacuer le bâtiment. Renvoyez tout le monde à la maison.

Jean-Jacques K. et les autres collaborateurs semblaient tétanisés.

- Exécution! Vous attendez qu'on vous prenne par la main?

La masse du personnel s'étendit sur la Place du Général D., à la manière d'une coulure de peinture épaisse. Les véhicules d'intervention commençaient à se disperser. Visiblement, le tireur avait été coincé dans la cave d'un marchand de vins et liquidé. Il aurait menacé les forces d'intervention et tiré en rafales contre la porte pour les empêcher de pénétrer dans la pièce. Les agents avaient balancé une grenade lacrimogène pour le déloger. Un coup serait parti d'on ne sait trop où pour atteindre l'homme en pleine tête. Enfin, c'est ce qui se disait dans la foule qui se remettait en mouvement.

A l'intérieur du bâtiment du Service de l'encaissement des contributions, dans la salle principale qui abritait la section "Contentieux Ouest", Monsieur le Conseiller général P. avait pratiquement oublié la tuerie. Il avait d'autres soucis. Le téléphone sonna. C'était le préfet.

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